Réunion du CSE : le non-respect du délai de communication de l'ordre du jour ne peut pas jouer contre le CSE
Pour cause de délai tardif, un employeur refuse de mettre à l’ordre du jour d’une réunion du CSE le vote d’une résolution sur un droit d’alerte
Afin d'anticiper d'éventuelles modifications dans les régimes de retraite complémentaires, un groupe de protection sociale avait envisagé une évolution de son organisation et la création d'autres activités de retraite complémentaire et d'assurance aux personnes en mettant en place trois structures juridiques distinctes.
Le 9 octobre 2020, son comité social et économique (CSE) avait été convoqué à une première réunion d'information sur le projet fixée au 16 octobre 2020. Les documents d'informations afférents au projet et à ses conséquences avaient été joints à la convocation et à l'ordre du jour.
Le 5 novembre 2020, le secrétaire du comité avait sollicité l'inscription à l'ordre du jour d'un vote d'une résolution sur un droit d'alerte économique pour la réunion devant se tenir le 9 novembre.
Mais le président du comité (à savoir l’employeur) avait refusé l'inscription du vote sur le droit d'alerte en invoquant le non-respect du délai de 5 jours pour l'inscription d'un point à l'ordre du jour prévu par l’accord d’entreprise relatif à la mise en place du CSE.
Lors de la réunion du comité du 9 novembre 2020, les élus avaient, cependant, voté un droit d'alerte économique.
L’employeur avait alors saisi la formation des référés du tribunal judiciaire en contestation de la procédure d'alerte votée par le comité et en annulation de la délibération prise par celui-ci le 9 novembre 2020 relative au déclenchement de son droit d'alerte économique.
Modalités d’élaboration et délai de communication de l’ordre du jour
Pour rappel, l'ordre du jour de la réunion du CSE est établi conjointement par le président et le secrétaire du comité, avec inscription de plein droit des sujets dont la consultation est rendue obligatoire par la loi, un décret ou un accord collectif (c. trav. art. L. 2315-29).
La loi prévoit par exemple, comme c’était le cas dans cette affaire, que lorsque le CSE entend actionner son droit d’alerte économique, parce qu’il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications et cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité (c. trav. art. L. 2312-63).
En outre, l’ordre du jour des réunions du CSE est en principe communiqué par le président aux membres du comité au moins 3 jours avant la réunion (c. trav. art. L. 2315-30). Dans cette affaire, ce délai avait été allongé à 5 jours ouvrables par l’accord d’entreprise qui avait mis en place le CSE.
Une double question se posait :
- l’employeur était-il en droit de ne pas inscrire à l’ordre du jour de la réunion la demande de vote sur le droit d'alerte économique, celle-ci ayant été formulée 4 jours avant la réunion ;- la délibération du CSE sur le droit d’alerte économique était-elle régulière malgré l’absence de mention de celui-ci à l’ordre du jour de la réunion ?
Seuls les élus du personnel peuvent contester le non-respect du délai de communication de l’ordre du jour
Dans sa décision du 28 juin 2023, la Cour de cassation considère que seuls les membres de la délégation du personnel au comité social et économique peuvent se prévaloir du respect du délai de communication de l’ordre du jour, car cette règle a été instaurée dans leur intérêt.
À noter : la chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà énoncé ce principe dans une affaire où, le jour même de la réunion d’un CSE central, avait été ajouté à l’ordre du jour, à l’unanimité des membres du CSE, le vote d’un mandat au secrétaire pour exercer une action pour délit d’entrave, donc sans respecter le délai de communication de l’ordre du jour qui était de 8 jours (cass. crim. 13 septembre 2022, n° 21-83914 P).
Le président du comité, à savoir l’employeur ou son représentant, ne peut donc pas se prévaloir du non-respect du délai de communication de l’ordre du jour.
Dans cette affaire, le président du CSE n’était pas autorisé à refuser d'inscrire le déclenchement de la procédure de droit d'alerte à l'ordre du jour de la réunion, au motif que le délai de communication de l’ordre du jour aux membres du comité ne pourrait pas alors être respecté puisque la demande avait été formulée trop peu de temps avant la tenue de la réunion.
Il en découle que l'absence de mention à l'ordre du jour du déclenchement de la procédure de droit d'alerte n'était pas un motif d'irrégularité de la délibération du comité.
Les juges ont donc à bon droit refusé la demande de l’employeur d’annuler la délibération prise par le CSE relative au déclenchement de son droit d'alerte économique.
Cass. soc. 28 juin 2023, n° 22-10586 FB
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